Le Tchad prévoit un port sec à Amdjarass. Un projet ambitieux, mais un emplacement très discutable !

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Le gouvernement tchadien a récemment annoncé un projet ambitieux : la construction d'un port sec à Amdjarass. Cette initiative s'inscrit dans un programme plus vaste qui prévoit la construction de cinq ports secs à travers le pays. Bien que l'idée de moderniser les infrastructures logistiques soit louable, ce projet suscite de nombreuses questions et un certain scepticisme quant à sa pertinence et sa faisabilité.

Le choix d'Amdjarass : un réalisme à géométrie variable ?

Le premier point à interroger est l'emplacement choisi pour ce port sec. Amdjarass, située à l'extrême est du Tchad, est une ville isolée et enclavée, loin des principaux centres économiques et des routes commerciales majeures. Un port sec, par définition, est une extension d'un port maritime. Il a pour but de faciliter l'acheminement des marchandises vers l'intérieur des terres en dédouanant les conteneurs à destination. Pour qu'un tel projet soit pertinent, il doit se trouver sur un axe de transport stratégique, facilitant les échanges avec les pays voisins et les ports maritimes.

Or, Amdjarass ne répond pas à cette logique. La distance qui la sépare des ports maritimes les plus proches (Douala au Cameroun, Cotonou au Bénin, etc.) est immense, et le réseau routier pour y parvenir est dans un état déplorable. Le transport de conteneurs sur de telles distances, dans ces conditions, serait extrêmement coûteux et peu efficace. La question se pose alors : qui sont les clients potentiels de ce port sec ? L'activité économique locale est limitée, et la ville n'est pas un pôle d'attraction pour les entreprises importatrices ou exportatrices. Le projet semble donc déconnecté des réalités économiques du pays.

Un investissement colossal pour des bénéfices incertains

La construction d'un port sec requiert un investissement financier considérable pour l'aménagement des infrastructures (entrepôts, zones de dédouanement, bureaux), l'acquisition d'équipements de manutention et la sécurisation du site. Dans un contexte économique où le Tchad fait face à des défis majeurs, il est légitime de se demander si un tel investissement à Amdjarass est la priorité. Ces fonds ne seraient-ils pas mieux utilisés pour réhabiliter le réseau routier national, moderniser les infrastructures de transport dans des régions plus dynamiques, ou investir dans des projets qui ont un impact direct sur la population ?

L'analyse de la rentabilité de ce projet est un exercice difficile. Un port sec est rentable si le volume de marchandises qu'il traite est suffisant pour couvrir les coûts d'exploitation et générer un bénéfice. Au vu de la situation géographique et du manque de dynamisme économique de la région, il est fort probable que ce port sec connaisse une faible activité. Le risque est qu'il devienne une "infrastructure fantôme", sous-utilisée et coûteuse à entretenir, financée par l'argent du contribuable pour des bénéfices incertains.

Un programme politique ou une stratégie économique ?

Ce projet de port sec à Amdjarass, présenté comme l'un des cinq prévus par le gouvernement, semble plus relever d'une logique politique que d'une stratégie économique rationnelle. Il est difficile de ne pas voir ce projet comme un moyen de démontrer une volonté de développement, sans pour autant tenir compte des contraintes et des réalités sur le terrain. L'annonce d'un tel programme peut avoir un effet de communication, mais elle ne résout pas les problèmes structurels qui entravent le développement du Tchad.

En conclusion, si la volonté de moderniser les infrastructures logistiques du Tchad est une excellente chose, le projet de port sec à Amdjarass soulève de sérieuses réserves. Son emplacement non stratégique, le coût élevé de l'investissement et les bénéfices incertains rendent le réalisme de cette initiative plus que discutable. Plutôt que de multiplier les projets pharaoniques en des lieux peu pertinents, le gouvernement gagnerait à se concentrer sur des initiatives plus ciblées et plus pragmatiques qui peuvent véritablement stimuler la croissance économique du pays et améliorer le quotidien des Tchadiens.

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